Je voulais partager avec vous une série qui m’a particulièrement touchée cette année : « Severance », une dystopie haletante créée par Dan Erickson et réalisée par Ben Stiller et Aoife McArdle.
C’est l’histoire d’un cadre moyen d’une entreprise high-tech, Mark, qui – par un principe de dissociation rendu possible par l’implantation volontaire d’une puce électronique dans le cerveau – sépare radicalement son identité professionnelle et privée.
L’un des deux moi est sous l’emprise d’une machine compressive aseptisée qu’est son entreprise et l’autre moitié est l’acteur d’une vie morne et banale.
Mark – ainsi que l’équipe qu’il dirige – va progressivement rechercher un sens à ses actions et se révéler être une menace pour l’entreprise. Nous glissons peu à peu dans un mal-être ambiant général sur fond tantôt comique ou satirique, tantôt angoissant voire stressant.
Cette série pose de multiples questions : quel équilibre établir entre notre vie privée et professionnelle ? Comment ne pas oublier une part de soi dans le monde du travail ultra corporate ? De quelle manière les grosses sociétés managent-elles et contrôlent-elles ses employés ? Quelles sont les dérives possibles face aux avancées technologies ? Jusqu’où peut aller l’absurdité de certaines décisions d’entreprises ? Quel sens donner au travail alors que les ambitions d’entreprises ne sont pas toujours claires et cohérentes ? Quelles sont les composantes de notre identité ? Peut-on vivre de manière dissociée ?
Cette série est aussi une critique de nos sociétés, de cette faculté réelle ou illusoire à pouvoir scinder notre vie professionnelle avec notre vie privée.
Comment par exemple, un manager peut-il virer – sans aucun scrupule – un employé modèle et dévoué à son entreprise – pour des raisons qui ne sont pas toujours légitimes – et ensuite rentrer chez lui et endosser le rôle d’un père aimant, inculquant de bonnes valeurs à son enfant? Est-ce que les actes posés au sein des murs de l’entreprise sont exempts de toute moralité et humanité et peuvent être commis en toute impunité ?
Voici quelques thématiques d’entreprises abordées : team buildings factices et inefficaces, critique du système de méritocratie toute relative en entreprise, division volontaire de la communication entre les départements et les personnes, motivation des personnes à la réalisation de tâches dénuées de sens, absurdité de la hiérarchisation des pouvoirs à outrance avec un board invisible et intouchable et de managers incompétents et inutiles, harcèlement, dépression et suicide au travail, pensée unique et non contestable de la culture d’entreprises, homosexualité tabou en entreprises, manque de congruence du manager face à son équipe, obligation d’adhésion aux signes extérieurs d’identification à une entreprise, limitation des relations interpersonnelles considérée comme un frein à la rentabilité, surveillance des employés avec des techniques douteuses, …
L’esthétique des images et la qualité de la bande son contribuent à l’originalité de la série.
Petit bémol : si vous chercher à visionner cette série, elle n’est malheureusement disponible que sur Apple TV !